« Beginners » de Mike Mills

Intérieur jour.

Oliver vide des armoires, jette des médicaments aux toilettes, trie des livres, des papiers. Oliver vide la vie de l’appartement et commence son deuil.

Extérieur nuit.

Des feux d’artifices crépitent sur le toit d’un parking, au coeur de l’obscurité californienne. Explosion de mélancolie, de nostalgie, tendresse et yeux humides.

En voix-off, Oliver explique le monde en 2003. Le soleil. Les étoiles. La nature. Le Président. Puis en 1955. L’image de la société parfaite, des jolies voitures lustrées, des familles heureuses avec des animaux de compagnie (et des jolies voitures lustrées), des femmes apprêtées et des hommes virils qui fument – parce que c’était encore viril de fumer à cette époque, pas uniquement dangereux pour les poumons et la fertilité. La société dans laquelle les parents d’Oliver se sont rencontrés, aimés, épousés. 44 ans et 1 cancer plus tard, sa mère décède et Hal, son père, en profite pour annoncer et vivre son homosexualité au grand jour à 70 ans passés. Un cancer le rongera lui aussi, seulement 4 ans après son coming-out, et Oliver videra son appartement.

Le film se décompose et s’articule ensuite autour de flashbacks : alors qu’Oliver reconstruit sa vie en acceptant la mort et en se laissant tomber dans les bras de l’amour – un amour blond à l’accent français, sous la fragilité aurore de Mélanie Laurent – des réminiscences d’Hal, de ses premiers amours masculins à ses derniers jours de souffrance, viennent ponctuer le récit. Nostalgie et feux d’artifices, encore.

Il y a une douceur et une douleur exquise dans Beginners. Comme une coupure qui vous fait mal mais vous rappelle que vous êtes vivant. Qui vous réconforte, vous murmure que ça pourrait être pire, et que ça va passer, bientôt.

Il y a un engagement et une sincérité déconcertante dans Beginners. Peut-être, certainement, parce qu’Oliver et Mike Mills, le réalisateur et scénariste, se fondent et s’effacent l’un l’autre. Lui aussi a perdu son père, et son père aussi n’aura vécu son homosexualité qu’au crépuscule de sa vie. Alors on fait le chemin avec Mike et Oliver, main dans la main, non pas pour accepter, ni comprendre, mais simplement pour découvrir qu’il n’est jamais trop tard que pour être enfin soi même, et enfin heureux, et qu’il est important de garder ses yeux et son coeur ouvert, toujours.

Un joli camaïeu de vert-de-gris, une ampoule qui clignote, crépite et s’éteint à jamais.

Les images de Beginners jouent sur la persistance rétinienne. Malgré la profonde détresse et la dépression latente, il ne reste au final que des caresses dans nos paupières ; que les sourires de Mélanie Laurent, les regards d’Ewan McGregor et la sagesse mutine de Christopher Plummer. Un moment douloureux qui s’efface et pour ne laisser place qu’aux souvenirs les plus tendres. Un moment douloureux qui nous manque, soudainement, et qui nous rappelle que malgré nos peurs, la vie est possible.

Sarah Gury

Films de la semaine